Toujours absents, de vrais
boulets au travail, etc… les stéréotypes sur les personnes handicapées ont la
vie dure. Surtout tant qu’on n’a jamais bossé avec un collègue ou un
collaborateur handicapé. Nous avons donc demandé à 6 salariés de nous raconter
leur quotidien aux côtés de collègues ou collaborateurs en situation de
handicap. Morceaux choisis.
Isabelle Ortiz, responsable
clientèle et chef de projet au sein de l’agence de communication adaptée
Sabooj. Sur 10 salariés, 7 sont en situation de handicap psychique ou physique.
« Travailler avec tous ces
collègues handicapés suppose davantage d’attention portée à l’humain que dans
une entreprise classique. La parole est plus libérée. L’entraide et la
solidarité sont plus importantes. Cela nécessite également plus de
compréhension. Quand les uns ou les autres sont absents, on ne se dit pas
"quel tire-au-flanc", on essaie d’être empathique sans être dans la
compassion. Je ne suis pas assistante sociale. Donc on prend des nouvelles, on
s’intéresse, on pose des questions mais ça s’arrête là. D’ailleurs, j’ignore la
pathologie exacte de certains de mes collaborateurs. L’empathie va des salariés
valides envers les collaborateurs handicapés et inversement. Mais c’est
également bénéfique entre personnes valides. L’attention aux autres rejaillit
sur toute l’équipe ».
2 - Sophie Decuignière,
responsable de l’excellence opérationnelle chez Carrefour Supply Chain. Elle
travaille avec Patrick, en charge de la gestion de la performance des
entrepôts, atteint de surdité et appareillé.
« Lors de ma première rencontre
avec Patrick, je n’avais pas d’appréhension particulière, je me disais "on
verra bien". Et j’ai rapidement compris que c’est le regard que nous
portons sur les personnes handicapées qui créé des limites et pas leur
handicap. Ils ont des talents et tous nos préjugés sont faux. Pour échanger
avec Patrick, il faut de préférence être en face de lui et tout se passe bien.
Sauf quand son dispositif auditif a un bug. Mais son humour et sa capacité à
tourner son handicap en dérision permettent toujours de dissiper un éventuel
malaise. Du coup, tout se passe bien. En travaillant avec lui, j’ai découvert
qu’il avait une force de caractère supérieure aux nôtres et j’apprécie sa bonne
humeur constante. Il se plaint rarement et dans une situation complexe, c’est
toujours lui qui positive. Au contact de Patrick, je m’enrichis. En cas de
tension, je me pose, je réfléchis au lieu de partir au quart de tour.
Prochainement, je vais participer au raid Handi’Valid de l’association Free
Handi’se avec Bernard, un autre collaborateur handicapé. J’aime l’idée de
s’élancer par équipe de 4, 2 valides et 2 personnes handicapées et de couper la
ligne d’arrivée ensemble. Un exercice de cohésion grandeur nature et qui
devrait mettre une claque aux préjugés sur les personnes handicapées ».
3 - Nezha Ben Amar, pilote pièces
chez Snecma (groupe Safran). Elle travaille au quotidien avec Thomas, un
collègue malentendant.
« Pour faciliter la
communication, Thomas m’a initié à la langue parlée complétée (LPC). Un système
de codes basé sur des signes de la main. J’ai appris par cœur certains mots et
la mise en pratique quotidienne me permet de coder les conversations pour
Thomas, notamment lors des réunions. Ensemble, on parle souvent de son
handicap. Parfois, ça l’énerve mais, la plupart du temps, il prend ça avec
humour. C’est un collègue comme un autre : bosseur, fonceur, professionnel avec
les mêmes objectifs que tout le monde et qui ne se met pas à l’écart. Je n’ai
pas de compassion pour lui mais au contraire beaucoup d’admiration. Parfois, voire
souvent, je devance ses demandes car je n’ai pas envie qu’il se retrouve dans
des situations compliquées. En ce moment, on réfléchit à un système de codage
par un tiers via internet qui lui serait utile pour son évolution de carrière
et le rendrait encore plus autonome. La présence de Thomas apaise l’ambiance
dans l’équipe. Même en situation de stress, on est obligé de parler moins vite,
de respirer et de se poser. L’atmosphère est donc plus détendue »...
La suite et la fin de ce florilège de tranche de vie sur le site cadremploi