Dans un entretien dans le magazine Challenges, la sénatrice Jocelyne GUIDEZ fait valoir valoir sa frustration face à l'intransigeance gouvernementale.
Alors
que sa proposition de loi sur la reconnaissance des proches aidants a été
approuvée par le Sénat, la sénatrice centriste Jocelyne Guidez se bat pour
qu'elle le soit devant l'Assemblée nationale. Problème de taille sur sa route,
le gouvernement y est farouchement opposé.
Afin
de mieux reconnaître le rôle des salariés aidants - ces travailleurs
accompagnant un parent âgé, un enfant handicapé ou encore une épouse malade -
le Sénat a approuvé fin octobre une proposition de loi centriste assouplissant
les conditions du congé de proche aidant et permettant notamment l'accès à une
indemnité pour compenser la perte de salaire. Le texte, initialement porté par
la sénatrice centriste de l'Essonne Jocelyne Guidez, doit arriver en décembre
devant l'Assemblée nationale. Contre la volonté de l'exécutif. Décryptage du
blocage avec la sénatrice.
Challenges
- Pourquoi avoir déposé cette proposition de loi maintenant?
Jocelyne
Guidez - Ma préoccupation sur le rôle des aidants n’est pas nouvelle. J’ai été
personnellement confrontée à leurs grandes difficultés quotidiennes. La fille
de ma sœur, aujourd’hui âgée de 24 ans, est atteinte du syndrome de Rett. Ma
sœur et son mari ont découvert cette maladie génétique alors qu’elle n’avait
que six mois. Ça a été un coup de massue. Et quand vous ne savez pas vers qui
vous diriger pour obtenir des informations sur la maladie, sur les modalités de
prise en charge, ou encore les aides financières éventuelles, votre vie devient
un château de cartes qui s’effondre. Les années ont passé, je suis devenue
maire, présidente de communauté de communes, puis sénatrice en septembre 2017.
Là, je me suis dit qu’il était urgent de faire avancer les choses.
En
quoi la situation des proches aidants vous alarme-t-elle aujourd’hui?
Cela
fait plus de vingt ans qu’on parle de la situation du rôle des aidants, on
empile les rapports et quelques mesures d’aides. Il faut aller beaucoup plus
loin désormais. Aujourd’hui, on estime en France à entre 8 et 11 millions de
personnes qui assistent un proche malade ou en situation de handicap ou de dépendance.
C’est énorme! L’Etat réalise chaque année 16 milliards d’euros d’économies
grâce à eux. Il est temps qu’on leur facilite les choses.
Justement,
vous proposez notamment d'instaurer une forme d'allocation pour les aidants.
En
effet. En 2016, 267.000 personnes, pour la plupart des salariés, auraient pu
prendre un congé de proche aidant, comme le permet déjà la loi. Au final, seule
une dizaine en ont bénéficié, soit 0,004%. Pourquoi si peu? Parce que ce congé
n’est pas rémunéré. Raison pour laquelle la proposition de loi crée une
indemnité de 900 euros par mois sur trois ans. Et tout cela, sans que cela ne
coûte rien à l’Etat. Le système serait financé par la mise en place d'une
surprime de 1,7% sur certains contrats d’assurance. Mais nous ne nous sommes
pas arrêtés là: le texte prévoit de créer un guide d'information digne de ce
nom pour les nouveaux aidants, de mentionner le rôle d'aidant sur le dossier
carte vitale -utile en cas d'accident par exemple-, ou encore de rendre l'accès
à la formation professionnelle prioritaire à l'issue d'un long congé de proche
aidant.
Christelle
Dubos, la nouvelle secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et
de la Santé, s’est ouvertement opposée à l’approbation de ce texte, annonçant
que des mesures seraient prises dans le cadre d’un futur projet de loi d’ici à
fin 2019. Votre proposition de loi semble dès lors avoir très peu de chances
d’aboutir…
La
réponse de Christelle Dubos n’est pas acceptable car le gouvernement ne trouve
rien à redire sur le moindre article du texte. S’il veut ajouter des
amendements ou modifier le texte, qu’il le fasse! Nous sommes ouverts à la
discussion. Il faut voir ce texte comme une main tendue vers l'exécutif. Je ne
comprends pas ce refus. J’en veux au gouvernement de ne pas être à l’écoute de
cette proposition de loi qui est, en l’état, valable, sans coûter un centime à
l’Etat. Elle est le résultat de six mois de travail et de consultation des
principaux acteurs. Derrière, il y a toutes les associations d'aidants qui ont
envie d’y croire.
Comment
entrevoyez-vous la suite?
La proposition de loi
doit être présentée devant l’Assemblée nationale à partir du 6 décembre
prochain et devrait être portée par le groupe centriste. J’ai lancé un appel au
gouvernement. J’espère qu’il sera entendu. Maintenant, il y a une attente
réelle. Arrêtons de commander des rapports.