"C'est
la société qui fait notre handicap", assure Céline Bœuf, aveugle de
naissance. Elle cible particulièrement les personnes qui lui prennent le bras
pour la guider sans la prévenir, qui s'adressent à son accompagnateur, quand
elle en a un, plutôt qu'à elle, ou qui pensent connaître son handicap et
agissent en conséquence.
"Les
gens qui essaient de m'aider ne voient pas la personne, ils voient le
handicap", ajoute-t-elle. "Soit ils croient connaître mon handicap et
se vexent quand je leur fais comprendre que ce n'est pas le cas, soit ils
n'essaient même pas de le connaître".
Thibault,
autiste, ressent pour sa part "une culpabilisation de ne pas agir comme
les autres". "Les gens ne font pas forcément attention à nos
besoins", ajoute cet administrateur du collectif Clé Autistes, qui lutte
contre les idées reçues sur ce trouble du développement humain.
Comme
lui, de nombreuses personnes autistes subissent plus le regard des autres que
leur différence. "C'est difficile de ne pas se sentir épié, vu comme une
anormalité", assure Nicolas, autiste non-verbal, c'est-à-dire qu'il ne
peut s'exprimer oralement.
"Comme
je me fatigue vite lors de situations sociales, cela m'oblige à me mettre
souvent en retrait, et mon comportement est perçu comme étrange", explique
Roger (le prénom a été modifié à sa demande), qui souffre également d'autisme.
Parfois,
cette incompréhension laisse place à une infantilisation des personnes autistes
ou handicapées.
Les
gens présupposent souvent un niveau intellectuel plus bas chez les personnes
autistes, remarque Thibault. "Notre manière d'être ou de parler est
souvent vue comme déficitaire".
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"Rééduquer" -
"Je
n'ai pas besoin de condescendance, mais de respect", assène Roger.
"Le handicap n'est un problème que si les personnes handicapées sont
représentées par opposition à une norme".
"Quand
un aveugle est accompagné, les gens vont souvent s'adresser à son
accompagnateur plutôt qu'à lui", remarque Claire Bœuf.
"Le
plus pesant, c'est que les gens pensent savoir ce qu'il faut faire et, parfois,
décident à notre place", ajoute-t-elle. "Si vous saviez le nombre de
fois où des gens m'ont fait traverser la rue alors que je ne voulais pas la
traverser..."
Pour
elle, "ça ne part pas forcément d'une bonne intention, ça part d'un présupposé
que je ne peux pas faire les choses".
"Tout
va être pensé pour +rééduquer+" des personnes qui "souvent, n'ont
aucun mal à vivre" avec leur autisme, accuse Thibault. "Notre
socialisation et notre éducation sont séparées" du reste de la société,
estime-t-il.
Des
attitudes qui peuvent parfois s'observer au sein même de l'environnement
familial. "Même les parents d'enfants autistes ont des expressions"
qui résument leur enfant à sa différence, regrette Thibault.
-
"Ma fille n'est pas cassée" -
Certains,
pourtant, acceptent vite le handicap de leur enfant. C'est le cas de Dorothée
Caratini, mère d'une petite fille de 4 ans, Abigaëlle, aveugle de naissance.
"Ma
fille n'est pas cassée", répondait-elle sur Twitter, fin juin, à ceux qui
espéraient qu'Abigaëlle soit un jour "réparée". Son témoignage a
recueilli près de 1.000 "retweets" et 1.300 "J'aime".
"J'en
avais un peu marre d'entendre +Oh, la pauvre !+", explique à l'AFP
Dorothée Caratini.
"Notre
société ne peut pas accepter que ma fille soit ce qu'elle est", regrette
cette mère qui élève seule ses deux filles depuis le décès de son mari.
"Evidemment,
elle aura une vie compliquée", ajoute-t-elle, "mais elle aurait une
vie moins compliquée si la société l'acceptait". "J'ai compris que le
plus grave pour ma fille, c'est que la société pourrait ne pas l'accepter comme
elle est".
Une
réflexion qui fait remonter des souvenirs chez Céline Bœuf. "Dorothée fait
ce que ma mère a tenté de faire il y a des années. En 20 ans, on n'a pas
avancé..."
Source AFP
30/07/2019.